Du 5 au 27 Février 2013
800 km (Chittagong Hill Tracts inclus)
En occident, le Bangladesh est surtout connu
pour les incendies
meurtriers dans ses usines textiles [1] et ses catastrophes naturelles, inondations gigantesques et
cyclones dévastateurs.
Ce pays, essentiellement occupé par le delta
commun du Gange (dont la branche bangladaise se nomme la Padma) et du
Brahmapoutre (ou Jamuna), a en effet la plus grande partie de son territoire à
moins de 12 mètres d’altitude (et environ 10 % est situé en dessous du niveau
de la mer) et il est estimé que la moitié de sa superficie serait inondée si le
niveau de la mer augmentait d'un mètre. L’eau est, d’ailleurs, omniprésente au
Bangladesh avec plus de 700 fleuves et rivières (parfois si larges qu’on ne
peut en voir les 2 rives simultanément), des milliers de canaux, des lacs et
des bassins, des kilomètres carrés de rizières. Où que vous regardiez il y a
forcément de l’eau quelque part. Ce qui laisse d’autant moins d’espaces
habitables dans ce pays qui est déjà le plus densément peuplé au monde (à
l’exception de quelques cité-Etats) avec plus de 150 millions d’habitants pour
une superficie de 150,000 km² (imaginez : 2,5 fois la population de la
France répartie sur à peine plus d’un quart de sa superficie), soit 1.000
ha/km².
Mais notre voyage au Bangladesh nous a
permis de découvrir qu’au-delà de ces représentations médiatiques vraies mais
réductrices, le Bangladesh est aussi :
- Le pays où Zidane est considéré comme un
demi-dieu, car les Bangladais s’intéressent au foot en plus du cricket
et qu’il est venu y inaugurer
une usine de yaourts en 2006. Son nom était cité presque
chaque fois que nous indiquions être Français. Il est LA référence française,
devant Chirac et Sarkozy (enfin plutôt Carla Bruni).
-
Le pays dont la capitale, Dacca, est la mégapole qui croît le plus rapidement au monde (déjà plus de 15 millions d’habitants)
mais qui demeure par ailleurs une vaste et dense campagne.
- Le pays des rickshaws à pédales :
ces tricycles avec une banquette arrière occupent les routes des villes et des
campagnes. C’est LE mode de transport principal du pays dont le relief s’y
prête parfaitement. Dacca est d’ailleurs connue comme la capitale mondiale des
rickshaws à pédales (il y en aurait 400,000,) et le trafic y est si incroyablement
dense qu’il est parfois impossible d’y marcher. Chaque rickshaw est une œuvre d’art unique :
capote, banquette et repose pieds sont décorés à la main de motifs animaux et
floraux de différentes couleurs.
Rickshaws à pédales |
- Le pays avec seulement 3 voitures pour 1.000 habitants (avant-dernier rang mondial !).
Sur les routes de campagnes les véhicules
motorisés sont tellement rares qu’il était possible de compter ceux que nous
croisions dans la journée. Les motos et les voitures y sont quasi-inexistantes ;
les rickshaws électriques (et par conséquent silencieux) et les rickshaws à
pédale sont prédominants (rendant la pollution et le bruit à un niveau plus
acceptable qu’en Inde). Bref, un paradis pour les cyclistes… lorsque les routes
sont en bon état.
- Le pays des bateaux : des barques aux cargos en passant
par les péniches et les bateaux de pèche, tout existe au Bangladesh. Les cours
d’eau remplacent le réseau routier : le transport des marchandises
(alimentation, bois, briques, etc.) se fait par bateau et les ferries
remplacent les bus sur les longues distances (par exemple entre Chandpur et Dacca).
Ou le complètent : les ponts étant rares, les traversées en bateau de
toute sorte (barque, ferry…) sont fréquentes et soumises aux marées (même à
plusieurs dizaines de kilomètres à l’intérieur des terres). Ainsi à marée
basse, il arrive que le niveau d’eau soit trop bas pour qu’un bateau puisse
faire l’ensemble de la traversée. Cependant, aucun problème : on commence
à pied jusqu’à ce qu’il y ait suffisamment d’eau et on termine en barque. Le
pays est également spécialisé dans le démantèlement denavires (à une vingtaine de kilomètres au nord de Chittagong) : une
industrie très contestée pour sa dangerosité envers l’environnement et les
travailleurs.
Port de Dacca: rocket, ferry et barques utilisés pour le transport des passagers sur la Padma |
Bateau transportant des troncs d'arbres |
Péniche transportant du sable |
Radeaux de bambous |
Traversée de rivière à marée basse |
- Le pays sans pierres et le pays des briqueteries :
12 milliards de briques sont produites chaque année au Bangladesh dont les
paysages sont parsemés des longues et hautes cheminées des briqueteries. Une
grande partie de ces briques sont ensuite cassées (souvent manuellement) pour
se substituer aux pierres et cailloux (par exemple utilisés pour refaire les
voieries) presque totalement absents du pays, lequel ne possède qu’une seule et
unique carrière.
Briquèterie |
Transport des briques |
Fabrication de cailloux à partir des briques |
Briquèteries le long de la Padma |
- Le pays où l’on est plus souvent servi
par des enfants que par des adultes dans les restaurants populaires et les épiceries : Le travail des enfants, parfois très
jeunes, s’observe aussi dans les
briqueteries, les champs, etc. Il est estimé que 17%
des enfants âgés entre 5 et 14 ans, scolarisés ou non, travaillent.
Ramassage des feuilles |
Fabrication de sacs à dos |
- Le pays des méga-ONG : La plus célèbre est la Grameen bank,
l’institution de micro-crédit aux 8,4 millions d’emprunteurs dont le fondateur a
reçu le prix
Nobel de la paix en 2006, mais c’est la BRAC qui est considérée
comme la plus grande ONG du monde (120.000 employés) et aussi la plus
efficiente.
Le “rôle extraordinaire joué par les ONG dans le pays” est considéré comme un des principaux facteurs des progrès récents du
Bangladesh en termes de développement humain.
Une conséquence pratique (et égoïste) pour les voyageurs et qu’il est possible
de trouver, au milieu de nulle-part, une guesthouse propre avec de l’eau
chaude, du wifi et un bon restaurant destinée à l’accueil des personnels des
ONG.
- Le pays aux deux indépendances (de
l’Empire Britannique en 1947 puis du Pakistan en 1971) : Cette histoire récente n’est pas encore
bien « digérée ».
Ce n’est qu’en 2010 qu’un tribunal spécial a été mis en place pour juger les
responsables de crimes commis durant la guerre sanglante contre le Pakistan en
1971. Plusieurs dirigeants d’un parti islamiste d’opposition, le
Jamaat-e-Islami, viennent d’être condamnés, à de la prison à vie ou à mort, en
février-mars 2013. Depuis (et donc pendant notre voyage) de violentes et
meurtrières manifestations se déroulent dans le pays opposant les partisans du Jamaat-e-Islami qui veulent
la libération de leurs dirigeants aux forces de l’ordre et aux jeunes du
"Mouvement de Shahbagh", laiques et proches du parti au pouvoir, qui
réclament au contraire la condamnation à mort de tous les
« collaborateurs » de guerre.
Manifestation du mouvement Shahbagh |
- Un pays récent à l’histoire ancienne
: au XVIe siècle,
l’empire Moghol contrôlait le Bengale et avait fait de Dacca un centre
provincial important de son administration. D’où la présence de monuments de
cette époque :
Lalbagh Fort, Dacca |
Mosquée aux 60 dômes, Bagerhat |
- Le pays des premières ministres et des
niqabs colorés : le Bangladesh est une démocratie parlementaire à
forte majorité musulmane (90%) qui a été dirigé plus longtemps par des femmes
(dont actuellement, Sheikh Hasina) que par des hommes. Les femmes semblent
avoir toujours eu un rôle politique important dans le pays : elles ont
activement participé à la lutte pour l’indépendance au début des années 70 et
continuent aujourd’hui à jouer un rôle dans les manifestations. Une proportion
importante des bangladaises est voilée intégralement : elles attachent
leur voile derrière leur tête de sorte à ne laisser voir que leurs yeux. Mais
elles se distinguent des femmes voilées de la péninsule arabique par des voiles
très colorés ( fushia, violet, orange, bleu vif, multicolore, à paillettes,
etc.) et non pas noirs.
Niqab fushia |
Enfin, le Bangladesh est aussi le pays de
la plus grande forêt aquatique du monde, les Sundarbans, et de la déforestation rapide,
le pays dans lequel vous recroisez toujours les mêmes (si peu nombreux) touristes,
le pays dans lequel il est quasiment impossible de trouver un coin tranquille sur
la route pour soulager sa vessie(il y a des gens partout !), le pays champion
des « french-fries » (à mon avis ils farinent et épicent les frites
avant de les faire frire… c’est un délice), le pays pour lequel nous n’avons pas
réussi à comprendre si le thé se boit noir ou au lait, le pays dans lequel on
nous a le plus souvent demandé « Quelle est la nature de votre
relation ? » (et où PE dépité répond que nous sommes mariés pour ne
pas entrer dans de longues considérations sur « en Europe le mariage est
désuet et les couples un peu modernes ne se marient pas… »).
Un des signes de la déforestation massive au Bangladesh |
En voyageant au Bangladesh après l’Inde,
nous nous attendions à trouver un pays plus peuplé et à provoquer des
attroupements encore plus « étouffants ». Au contraire. Tout d’abord,
même si les gens s’attroupent comme en Inde, ceux-ci le font à une distance
plus respectueuse de notre « privacy » et il n’est pas rare que les
gérants des restaurants ou des bars à thé où nous prenons nos pauses chassent
les curieux pour que nous puissions être tranquilles. Les Bangladais sont par
ailleurs très serviables (on nous a aidés à acheter une carte sim pour notre
téléphone) et accueillants (nous avons été invités plusieurs fois à prendre le
thé) : nous avons un peu ressenti le même contraste entre le Bangladesh et
l’Inde qu’entre l’Iran et la Turquie.
Bref, comme vous l’aurez compris, le
Bangladesh est un petit pays mais qui offre beaucoup à découvrir : une
destination hautement conseillée, en particulier à vélo !
Petit attroupement au Bangladesh |
[1] Un secteur
qui emploie 3,5 millions de travailleurs et représente plus des 3/4 des
exportations du pays – ce qui en fait le second exportateur du secteur derrière
la Chine
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire