mercredi 26 décembre 2012

10.000 kms, 10.000 mercis et 10.000 fois désolés



     Après 7 mois et demi de voyage, nous avons franchi la barre des 10.000 kilomètres à vélo en arrivant à Bengalore. 

     10.000 kilomètres à parcourir les routes d’Europe, de Turquie, d’Iran, des Émirats et d’Inde à vélo! 10.000 kilomètres encouragés par les klaxons des motos, des voitures, des camions, des bus, des tracteurs et des tuk-tuks (rickshaws) qui nous ont doublés. 10.000 kilomètres accompagnés de sourires (voire de fou-rires), de saluts, de « Hello ! How are you ? Where are you from ? Where are you going? Why do not you use a motorbike?”. 10.000 kilomètres d’invitations à faire une pause à l’abri de la pluie ou à l’ombre d’un arbre, à venir partager un repas ou un thé, ou même à passer la nuit. 10.000 kilomètres de conseils sur les curiosités touristiques, les hébergements, le meilleur chemin à prendre :
  • Locaux: « Il faut prendre la double voie, vous irez plus vite ! »
  • Nous: « Euh, en voiture surement, mais nous sommes à vélo…»
         Ou encore :
  • Locaux: «Vous allez où après?»
  • Nous: « A Hampi! »
  • Locaux: « Vous avez le choix, soit vous prenez le train, soit le bus! »
  • Nous: « Non, non, nous y allons à vélo! »
  • Locaux: « Mais c’est loin, il y a au moins 300km et ça monte! Vous devez prendre le train! » 
10.000 kilomètres d’échanges qui se font parfois en Anglais mais le plus souvent en langue locale vaguement anglicisée et accompagnée de langage des signes… mais qui nous permettent (presque) toujours de comprendre et de nous faire comprendre. 10.000 kilomètres de gentilles attentions : des fruits et des légumes (voire des repas complets) offerts sur la route ; de grands signes pour nous indiquer une fontaine d’eau potable ; une visite guidée de la ville pour que nous ne rations pas ce qu’il y a de plus intéressant ; etc… 

     Alors, après 10.000 kilomètres, nous tenons à remercier tous ces gens que nous avons croisés et qui nous ont accordé un peu (ou beaucoup) d’attention mais également à adresser toutes nos excuses à ceux que nous avons, involontairement ou volontairement, ignorés sur notre passage! Involontairement, car nous ne voyons pas toujours un enfant qui nous salue depuis le perron de sa maison, une voiture ou une moto qui s’est garée sur le coté de la route pour nous attendre et échanger quelques mots… Volontairement, car même si toutes ces attentions égayent nos journées, nous permettent d’avoir des contacts avec les gens et nous aident à avancer… c’est parfois un peu trop. Quand nous avons déjà expliqué de nombreuses fois dans la même journée d’où nous venons, où nous allons, d’où viennent les vélos, que l’appareil sur le guidon de PE est un GPS, etc… nous n’avons pas forcément envie de recommencer  une fois de plus.  Quand nous avons déjà répondu plusieurs dizaines ou centaines de fois aux personnes qui nous adressent un signe de la main ou un « Hi ! » amical, nous en laissons passer certains sans répondre ! Quand nous achevons notre périple quotidien, que nous sommes un peu fatigués, suants et sales, nous avons alors plutôt envie d’aller rapidement prendre une bonne douche que de saluer tout le monde et de passer du temps à expliquer notre périple. Quand nous nous arrêtons pour une petite pause, nous aimerions parfois rester un peu au calme et non être aussitôt entourés par un groupe de curieux, aussi bien intentionnés soient-ils.

     Ce dernier phénomène est particulièrement marqué en Inde. Ici, la sphère d’intimité publique (ou proxémie publique), c’est-à-dire l’espace autour de nous implicitement considéré privé, n’existe pas : les Indiens s’approchent et se postent au plus près de nous et de nos vélos. Le mécanisme est toujours le même : nous sommes d’abord scrutés, par ceux qui se trouvent près de nous, puis celui qui se sent le plus capable de communiquer avec nous (ie qui croit connaitre un peu d’Anglais) lance une première question, puis une seconde, etc… tandis que toutes les personnes qui passent par là (enfin, plus précisément, tous les hommes car les femmes semblent avoir moins de temps pour l’oisiveté) viennent se joindre au groupe pour regarder, écouter ou participer à la discussion engagée. Rapidement nous sommes encerclés et il n’est plus possible de boire un çai, grignoter un biscuit ou regarder une carte tranquillement. Une pause de 15 minutes se finit souvent avec un attroupement d’une bonne vingtaine de personnes et il n’est pas rare que des agents de la circulation viennent s’en mêler. Ajoutons que les Indiens regardent nos vélos avec les mains (dixit PE: «mon grand-père paternel les auraient traités de "Toukaïre"») - ils ne peuvent s’empêcher de toucher la manette des vitesses, tâter le guidon, tripoter les sacoches, s’appuyer sur la selle, jouer avec la sonnette - et vous comprendrez que ces marques d’attention peuvent, parfois, être un peu oppressantes.

     Alors, nous sommes désolés si nous manquons parfois un peu d’énergie ou de patience pour répondre à toutes les sollicitations dont nous faisons l’objet et nous tenons à nous excuser a posteriori pour notre individualisme et notre manque de patience, mais aussi a priori. Car même si nous savons qu’il existe des différences culturelles entre nous et les pays que nous traversons, en particulier l’Inde, nous continuerons à réclamer que notre sphère d’intimité publique soit respectée, tout en espérant, bien entendu, que des personnes n’oublierons pas de temps en temps de venir discuter avec nous, de nous saluer ou de nous encourager par un petit coup de klaxon… car c’est quand même bien agréable… à petite dose!


1 commentaire:

  1. Je vous souhaite une excellente nouvelle année où que vous soyez en ce moment sur les routes du monde !

    Continuez à bien profiter de votre incroyable voyage et à nous le faire suivre via ce blog !

    Bibis amicaux de début d'année,
    Thomas

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