mercredi 15 mai 2013

Du Laos au Vietnam, par le plateau des Bolovens et la cordillère Annamitique

Du 8 au 12 Avril 2013

303kms (>3000m de dénivelé cumulé)


Après plus de 10 jours de pause à Paksé, nous avons repris la route, plein est, en direction du Vietnam. Nous étions un peu déçus de rater le nouvel an Lao (14 avril) mais nous avons fait le choix d’aller rechercher un climat un peu plus clément (la saison chaude au Laos est difficilement supportable) et de découvrir un nouveau pays. D'autant que la route qui remonte de Paksé vers Vientiane au nord est, paraît-il, un peu ennuyeuse (et que PE la connait déjà bien).

Depuis le plateau central d’Inde du sud, nous avons parcouru plus de 4.000kms sans jamais repasser au dessus de 1.000m d'altitude… de 500m même. Cette fois il s’agissait de grimper 1.300 mètres dans la journée pour monter sur le plateau des Bolovens.

Durian, fruits du jacquier, bananes, oranges, ananas, etc. La réputation du marché aux fruits du km 21 n'est plus à faire!

Paniers en osier et cages à poules

Cette ascension, régulière et d’un pourcentage modéré, s’est avérée assez facile (les vraies difficultés viendront un peu plus tard). Au fur et à mesure que nous nous élevions, l’air est devenu frais et sec et nous apprécions presque d’avoir la chaire de poule pendant nos pauses. Le paysage a également commencé à changer : il est devenu plus boisé avec de part et d’autre de la route des plantations de caféiers s’étendant à perte de vue. Nous avons quitté la route principale au « km 38 » pour rouler au milieu des plantations de caféiers et rejoindre la cascade de Champee, perdue au milieu de la forêt. La récolte des grains de café se terminant en mars, il n'y avait malheureusement plus d'activité dans les plantations. Un peu plus tard nous nous sommes promenés autour de la chute d’eau de Tad Yuang, au « km 40 », où la pluie et la température fraîche (<20°C) ont eu raison de nos velléités de baignades.


A travers les caféiers

Cascade de Champee

Cascade de Tad Yuang


Au Laos, les lieux sont souvent repérés par le chiffre de la borne kilométrique la plus proche précédé de "Lak" qui signifie kilomètre en Lao: B. Lak 42=village du kilomètre 42.
La culture du café a été introduite au Laos par les Français au début du XXème siècle. Aujourd’hui, le café est un des principaux produits d’exportation et provient presque exclusivement (95%) du plateau des Bolovens. Le climat (températures fraiches: entre 15 et 25°C tout au long de l’année; précipitations abondantes: 2.500mm/an), l’altitude moyenne (entre 1.000m et 1.350m) et le sol riche en nutriments (sol volcanique) permettent d’y produire un café de très grande qualité qui s’exporte à un prix élevé.

Le café Lao est délicieux, corsé et doux à la fois. Localement, il se prépare à la chaussette et se déguste chaud ou glacé avec une bonne dose de lait concentré sucré (+/- accompagné d’un verre de thé). Nous avons investi dans une bouilloire et une chaussette pour pouvoir nous en préparer le matin.

Petit plant de café deviendra grand...

Café lao traditionnel, servi sur une bonne couche de lait concentré sucré et accompagné d'un verre de thé

Le soir nous avons fait étape à Paksong, la capitale Lao du café, réputée pour la douceur de son climat (L’ancien président Kamtay Siphandone y coulerait une retraite paisible). La ville s’étale surtout le long de la route principale, sur plusieurs kilomètres, et ne présente pas grand intérêt.

Le lendemain nous avons poursuivi vers Attapeu en empruntant une route à travers le parc national de Dong Hua Sao. Nous avions quelques doutes sur la qualité de cette route : il pleuvait depuis 2 jours et notre guide de voyage et divers blogs annonçaient que les 70 premiers kilomètres n’étaient pas asphaltés. Finalement, les 30 premiers kilomètres avaient été refaits et nous avons rallié la cascade de Nam Tok Katamtok sans trop de difficulté.

Cascade de Nam Tok Katamtok


La contrepartie de cette bonne surprise est qu'à cette route neuve a succédé une large piste en travaux vouée à devenir une vraie route d'ici quelques années. Cette dernière, qui facilite l'accès à la forêt, permet à des paysans de venir s'installer dans des zones autrefois protégées où ils coupent et brûlent des arbres pour obtenir des parcelles cultivables. En conséquence, des zones de déforestation et de brûlis apparaissent le long de la route. A quoi se surajoutent des câbles électriques signes de la richesse en électricité du Laos (où a notamment été construit, en 2010, le plus grand barrage d'Asie du Sud-Est, Nam Theun 2, dont 95% de la production est exportée en Thaïlande). Le petite piste serpentant dans la forêt à laquelle nous nous attendions n'était donc pas au rendez-vous. Et pour compliquer la donne, la pluie des jours précédents et le passage répété des camions de travaux avaient transformé la route en construction en véritable champ de boue. Nous avons ainsi pulvérisé nos records de lenteur en parcourant un tronçon de 6 kilomètres en 1h30! 


Familles récemment installées au bord de la future route

La jolie petite piste serpentant au milieu de la forêt n'est plus...

Il y a des moments...

... où il faut pousser!


PE prête nos outils à un motard pour qu'il puisse démonter son garde-boue. Spéciale dédicace à Vanessa & Romain

Les camions de travaux n'améliorent pas vraiment l'état de la route

A Ban Bengkhua Kham, nous avons rattrapé une vraie route pour achever les 60 derniers kilomètres (+20kms pour PE qui a oublié sa gourde dans l'échoppe où nous avons déjeuné) qui nous séparaient d’Attapeu.

Préparation de la salade de papaye verte...

... dégustée en accompagnement de riz gluant, viande séchée et pho... de quoi oublier nos mésaventures de la matinée

Attapeu est située dans une cuvette (100m d’altitude) entre le plateau des Bolovens et la cordillère Annamitique. Malgré la centaine de kilomètres qui sépare la ville du Vietnam, Attapeu a toutes les caractéristiques d’une ville-frontière : l’activité économique est importante, les bureaux de change sont omniprésents et la plupart des restaurants et des hôtels sont gérés par des vietnamiens. Nous y avons passé notre dernière soirée laotienne : une roue encore au Laos (avec une bouteille de Beerlao) mais l’autre déjà au Vietnam (hôtel et restaurant vietnamiens) !


Nous sommes repartis d'Attapeu tôt le matin mais avons ensuite perdu un peu de temps à chercher la maison du frère de Noukone à Xaisethan, à une dizaine de kilomètres, pour le saluer (il n’y avait pas qu’une seule maison au toit bleu contrairement à ce que nous avait expliqué Noukone).

Attapeu

Nous nous doutions que la traversée de la cordillère Annamitique et le passage de la frontière entre le Laos et le Vietnam ne seraient pas si faciles mais, fatigués par notre « intermède boue » de la journée précédente, nous n’avions pas très bien préparé cette étape. Nous devions parcourir plus de 130km et franchir 3 cols d'altitude très modérée (437m, 835m et 822m avec respectivement 330m, 585m et 572m d’ascension) dans la journée pour rallier Ngoc Hoi, la première ville côté vietnamien et la seule sur notre trajet. Dit comme ça, ce n'est rien d’extraordinaire. Sauf que les montées étaient courtes avec la majeure partie du temps une pente supérieure à 10% et que la route entre les cols était loin d’être plate. Certains petits pics que nous pensions être des artefacts sur le profil d’élévation de Google Earth étaient bel et bien réels.

De récentes plantations d'hévéa s'étendent de part et d'autres de la route pendant les 40 kilomètres après Attapeu

Nous sommes arrivés en haut du premier col sans trop de difficultés, malgré un temps chaud et humide, et avons fait une courte pause dans le petit village au bas de la descente non asphaltée, pensant nous ré-arrêter un peu plus loin pour déjeuner. Une ville dont le nom était indiqué sur les bornes kilométriques devait se situer avant l’attaque du second col. Mais cette dernière s’est avérée n’être qu’un groupement de 3-4 maisons (+/- abandonnées) un peu à l’écart de la route et nous avons donc entamé notre deuxième ascension de la journée sans avoir pu nous ravitailler, ni en eau, ni en nourriture, et dans la fournaise de la mi-journée. Conclusion, nous sommes arrivés au sommet en état d’hypoglycémie et totalement déshydratés, avec quelques feuilles de mangue séchée comme unique carburant. 

La beauté des paysages au sommet des cols récompense les efforts fournis pour y arriver.

Youpi, on descend! C'est dommage, ils ont juste oublié d'asphalter la route!

33kms... si près... si loin (plus de 6h avec la pause ravitaillement)

Pause bien méritée en haut du second col. Où est le petit bar-restaurant? A 18kms de là! Dommage...
Nous avons encore dû rouler 18kms pour atteindre enfin un village, Xayden, au pied de la dernière ascension, où nous avons pu engloutir des litres de boisson et un bon plat de riz. Nous n’étions alors plus qu’à une dizaine de kilomètres (d’ascension !) de la frontière, mais vus l’heure avancée et notre état de fatigue, nous avons tenté d’y trouver un hébergement pour la nuit (homestay, chez l’habitant…). Ce fut un échec. On nous a conseillé de rejoindre un des hôtels les plus proches... à Attapeu (d’où nous étions partis 9h plus tôt !) ou au Vietnam (600m plus haut !). Nous avons alors tenté de nous faire «hisser » au sommet par un camion en partance pour la frontière. Le chauffeur n’a pas eu l’air de comprendre ce que nous voulions… Nouvel échec… Il y a des jours comme ça… Ceci dit, nous sommes ainsi restés fidèles à notre principe de n’avancer qu’à la force des mollets. Depuis notre départ de Paris, nous ne nous sommes jamais faits tracter et n’avons jamais pris de bus, camion ou autre véhicule motorisé (à l’exception de bateaux et... hum... de deux avions). Et puis, bonne nouvelle, nous avons appris que l’heure de fermeture de la frontière était plus tardive que nous ne le pensions. Nous avons donc attaqué notre 3ème col de la journée, un peu revigorés par la pause. Une heure et demie plus tard, nous atteignions difficilement le poste frontière Laotien, juste à la tombée de la nuit, perclus de crampes (surtout PE qui a dû achever le col en marchant) mais contents d’y être arrivés par nos propres moyens !

La seule et unique photo de notre dernière ascension, prise juste avant la tombée de la nuit. Nous avons concentré toutes nos forces pour appuyer sur nos pédales et n'en avons pas dispersé pour appuyer sur le déclencheur de l’appareil photo. 

L'agréable surprise est qu'au lieu de payer une pénalité (abusive) pour un passage de la frontière à une heure tardive (comme les douaniers savent si bien en inventer), nous avons eu droit aux félicitations de la jolie douanière Laotienne. Les 2-3 kilomètres de no-man's land qui séparent les deux postes frontières nous ont donné la sensation étrange de flotter dans un trou spatio-temporel: nuit noire, pas d'asphalte, pas d'éclairage.
Nous espérions trouver un hébergement juste après la frontière vietnamienne. Encore un échec. Nous avons dû rouler 17kms dans le noir pour rejoindre Ngoc Hoi, la ville la plus proche, et nous sommes arrêtés dans le premier hôtel que nous avons aperçu, un 4 étoiles... à 25$ la nuit petit-déjeuner inclus. Cela ne valait pas le coup de s'en priver! Après un copieux dîner et une bonne nuit, nous avons même décidé de profiter un peu plus de ce luxe bon marché. Nous nous sommes accordés une journée de repos, le temps d'organiser la suite de notre périple au Viet-Nam, d'acheter une carte SIM vietnamienne (nous sommes devenus accros à la 3G) et d'inspecter les vélos (qui faisaient un peu de bruit lorsque nous pédalions). Nous nous sommes alors rendus compte que la roue avant de PE était dévissée (la journée précédente aurait pu mal se finir) et que mon pneu arrière souffrait d'une grosse hernie. Le premier problème était facile à résoudre mais le second était plus ennuyeux. Le flanc du pneu avait été creusé par un frottement répété (origine mystérieuse!? Les freins ne sont pas en cause). La structure du pneu était irrémédiablement endommagée mais nous avons essayé de prolonger sa vie en inversant mes pneus (et en espérant que la hernie ne grossisse pas à l'avant). Il faut avouer que depuis notre départ de Paris, nous avons toujours les mêmes pneus. Ils ont roulé presque tous les jours depuis un an et ont parcouru plus de 15.000kms, ce qui leur donne le droit de montrer quelques signes de faiblesse.

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