vendredi 8 mars 2013

De quoi Bangladesh est-il le nom ?


Du 5 au 27 Février 2013

800 km (Chittagong Hill Tracts inclus) 


En occident, le Bangladesh est surtout connu pour les incendies meurtriers dans ses usines textiles  [1] et ses catastrophes naturelles, inondations  gigantesques et cyclones  dévastateurs.
Ce pays, essentiellement occupé par le delta commun du Gange (dont la branche bangladaise se nomme la Padma) et du Brahmapoutre (ou Jamuna), a en effet la plus grande partie de son territoire à moins de 12 mètres d’altitude (et environ 10 % est situé en dessous du niveau de la mer) et il est estimé que la moitié de sa superficie serait inondée si le niveau de la mer augmentait d'un mètre. L’eau est, d’ailleurs, omniprésente au Bangladesh avec plus de 700 fleuves et rivières (parfois si larges qu’on ne peut en voir les 2 rives simultanément), des milliers de canaux, des lacs et des bassins, des kilomètres carrés de rizières. Où que vous regardiez il y a forcément de l’eau quelque part. Ce qui laisse d’autant moins d’espaces habitables dans ce pays qui est déjà le plus densément peuplé au monde (à l’exception de quelques cité-Etats) avec plus de 150 millions d’habitants pour une superficie de 150,000 km² (imaginez : 2,5 fois la population de la France répartie sur à peine plus d’un quart de sa superficie), soit 1.000 ha/km².

Mais notre voyage au Bangladesh nous a permis de découvrir qu’au-delà de ces représentations médiatiques vraies mais réductrices, le Bangladesh est aussi :

- Le pays où Zidane est considéré comme un demi-dieu, car les Bangladais s’intéressent au foot en plus du cricket et qu’il est venu y inaugurer une usine de yaourts  en 2006. Son nom était cité presque chaque fois que nous indiquions être Français. Il est LA référence française, devant Chirac et Sarkozy (enfin plutôt Carla Bruni).

- Le pays dont la capitale, Dacca, est la mégapole qui croît le plus rapidement au monde  (déjà plus de 15 millions d’habitants) mais qui demeure par ailleurs une vaste et dense campagne.

- Le pays des rickshaws à pédales : ces tricycles avec une banquette arrière occupent les routes des villes et des campagnes. C’est LE mode de transport principal du pays dont le relief s’y prête parfaitement. Dacca est d’ailleurs connue comme la capitale mondiale des rickshaws à pédales (il y en aurait 400,000,) et le trafic y est si incroyablement dense qu’il est parfois impossible d’y marcher. Chaque rickshaw est une œuvre d’art unique : capote, banquette et repose pieds sont décorés à la main de motifs animaux et floraux de différentes couleurs.


Rickshaws à pédales

- Le pays avec seulement 3 voitures pour 1.000 habitants (avant-dernier rang mondial !).
Sur les routes de campagnes les véhicules motorisés sont tellement rares qu’il était possible de compter ceux que nous croisions dans la journée. Les motos et les voitures y sont quasi-inexistantes ; les rickshaws électriques (et par conséquent silencieux) et les rickshaws à pédale sont prédominants (rendant la pollution et le bruit à un niveau plus acceptable qu’en Inde). Bref, un paradis pour les cyclistes… lorsque les routes sont en bon état.

- Le pays des bateaux : des barques aux cargos en passant par les péniches et les bateaux de pèche, tout existe au Bangladesh. Les cours d’eau remplacent le réseau routier : le transport des marchandises (alimentation, bois, briques, etc.) se fait par bateau et les ferries remplacent les bus sur les longues distances (par exemple entre Chandpur et Dacca). Ou le complètent : les ponts étant rares, les traversées en bateau de toute sorte (barque, ferry…) sont fréquentes et soumises aux marées (même à plusieurs dizaines de kilomètres à l’intérieur des terres). Ainsi à marée basse, il arrive que le niveau d’eau soit trop bas pour qu’un bateau puisse faire l’ensemble de la traversée. Cependant, aucun problème : on commence à pied jusqu’à ce qu’il y ait suffisamment d’eau et on termine en barque. Le pays est également spécialisé dans le démantèlement denavires (à une vingtaine de kilomètres au nord de Chittagong) : une industrie très contestée pour sa dangerosité envers l’environnement et les travailleurs.

Port de Dacca: rocket, ferry et barques utilisés pour le transport des passagers sur la Padma 

Bateau transportant des troncs d'arbres

Péniche transportant du sable

Radeaux de bambous

Traversée de rivière à marée basse

- Le pays sans pierres et le pays des briqueteries : 12 milliards de briques sont produites chaque année au Bangladesh dont les paysages sont parsemés des longues et hautes cheminées des briqueteries. Une grande partie de ces briques sont ensuite cassées (souvent manuellement) pour se substituer aux pierres et cailloux (par exemple utilisés pour refaire les voieries) presque totalement absents du pays, lequel ne possède qu’une seule et unique carrière.

Briquèterie

Transport des briques

Fabrication de cailloux à partir des briques

Briquèteries le long de la Padma 

- Le pays où l’on est plus souvent servi par des enfants que par des adultes dans les restaurants populaires et les épiceries : Le travail des enfants, parfois très jeunes, s’observe aussi dans les briqueteries, les champs, etc. Il est estimé que 17% des enfants âgés entre 5 et 14 ans, scolarisés ou non, travaillent.

Ramassage des feuilles

Fabrication de sacs à dos

- Le pays des méga-ONG : La plus célèbre est la Grameen bank, l’institution de micro-crédit aux 8,4 millions d’emprunteurs dont le fondateur a reçu le prix Nobel de la paix en 2006, mais c’est la BRAC qui est considérée comme la plus grande ONG du monde (120.000 employés) et aussi la plus efficiente. Le “rôle extraordinaire joué par les ONG dans le pays est considéré comme un des principaux facteurs des progrès récents du Bangladesh en termes de développement humain. Une conséquence pratique (et égoïste) pour les voyageurs et qu’il est possible de trouver, au milieu de nulle-part, une guesthouse propre avec de l’eau chaude, du wifi et un bon restaurant destinée à l’accueil des personnels des ONG.

- Le pays aux deux indépendances (de l’Empire Britannique en 1947 puis du Pakistan en 1971) : Cette histoire récente n’est pas encore bien « digérée ».  Ce n’est qu’en 2010 qu’un tribunal spécial a été mis en place pour juger les responsables de crimes commis durant la guerre sanglante contre le Pakistan en 1971. Plusieurs dirigeants d’un parti islamiste d’opposition, le Jamaat-e-Islami, viennent d’être condamnés, à de la prison à vie ou à mort, en février-mars 2013. Depuis (et donc pendant notre voyage) de violentes et meurtrières manifestations se déroulent dans le pays opposant les partisans du Jamaat-e-Islami qui veulent la libération de leurs dirigeants aux forces de l’ordre et aux jeunes du "Mouvement de Shahbagh", laiques et proches du parti au pouvoir, qui réclament au contraire la condamnation à mort de tous les « collaborateurs » de guerre.



Manifestation du mouvement Shahbagh

- Un pays récent à l’histoire ancienne : au XVIe siècle, l’empire Moghol contrôlait le Bengale et avait fait de Dacca un centre provincial important de son administration. D’où la présence de monuments de cette époque :

Lalbagh Fort, Dacca


Mosquée aux 60 dômes, Bagerhat

- Le pays des premières ministres et des niqabs colorés : le Bangladesh est une démocratie parlementaire à forte majorité musulmane (90%) qui a été dirigé plus longtemps par des femmes (dont actuellement, Sheikh Hasina) que par des hommes. Les femmes semblent avoir toujours eu un rôle politique important dans le pays : elles ont activement participé à la lutte pour l’indépendance au début des années 70 et continuent aujourd’hui à jouer un rôle dans les manifestations. Une proportion importante des bangladaises est voilée intégralement : elles attachent leur voile derrière leur tête de sorte à ne laisser voir que leurs yeux. Mais elles se distinguent des femmes voilées de la péninsule arabique par des voiles très colorés ( fushia, violet, orange, bleu vif, multicolore, à paillettes, etc.) et non pas noirs.



Niqab fushia

Enfin, le Bangladesh est aussi le pays de la plus grande forêt aquatique du monde, les Sundarbans, et de la déforestation  rapide, le pays dans lequel vous recroisez toujours les mêmes (si peu nombreux) touristes, le pays dans lequel il est quasiment impossible de trouver un coin tranquille sur la route pour soulager sa vessie(il y a des gens partout !), le pays champion des « french-fries » (à mon avis ils farinent et épicent les frites avant de les faire frire… c’est un délice), le pays pour lequel nous n’avons pas réussi à comprendre si le thé se boit noir ou au lait, le pays dans lequel on nous a le plus souvent demandé « Quelle est la nature de votre relation ? » (et où PE dépité répond que nous sommes mariés pour ne pas entrer dans de longues considérations sur « en Europe le mariage est désuet et les couples un peu modernes ne se marient pas… »).

Un des signes de la déforestation massive au Bangladesh

En voyageant au Bangladesh après l’Inde, nous nous attendions à trouver un pays plus peuplé et à provoquer des attroupements encore plus « étouffants ». Au contraire. Tout d’abord, même si les gens s’attroupent comme en Inde, ceux-ci le font à une distance plus respectueuse de notre « privacy » et il n’est pas rare que les gérants des restaurants ou des bars à thé où nous prenons nos pauses chassent les curieux pour que nous puissions être tranquilles. Les Bangladais sont par ailleurs très serviables (on nous a aidés à acheter une carte sim pour notre téléphone) et accueillants (nous avons été invités plusieurs fois à prendre le thé) : nous avons un peu ressenti le même contraste entre le Bangladesh et l’Inde qu’entre l’Iran et la Turquie.
Bref, comme vous l’aurez compris, le Bangladesh est un petit pays mais qui offre beaucoup à découvrir : une destination hautement conseillée, en particulier à vélo !

Petit attroupement au Bangladesh


[1] Un secteur  qui emploie 3,5 millions de travailleurs et représente plus des 3/4 des exportations du pays – ce qui en fait le second exportateur du secteur derrière la Chine

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